Le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Mariano Grossi, s’est exprimé aujourd’hui. Il a fait savoir que l’AIEA continuait à suivre de près et à examiner la situation concernant les attaques israéliennes contre des sites nucléaires en République islamique d’Iran, et à rendre régulièrement compte des faits nouveaux et de leurs conséquences possibles pour la santé humaine et l’environnement.
Depuis le début des attaques militaires il y a près d’une semaine, l’AIEA recense les dommages causés dans plusieurs de ces installations –?parmi lesquelles les sites nucléaires d’Arak, d’Ispahan, de Natanz et de Téhéran?– en expliquant leurs conséquences radiologiques potentielles.
Dans sa déclaration au Conseil des gouverneurs le 13?juin passé, au matin des attaques contre des installations nucléaires iraniennes, le Directeur général a rappelé les nombreuses résolutions que la Conférence générale avait prises au sujet des attaques militaires contre des installations nucléaires, notamment les résolutions GC(XXIX)/RES/444 et GC(XXXIV)/RES/533, dans lesquelles la Conférence avait notamment affirmé que ??toute attaque ou menace d’attaque armée contre des installations nucléaires destinées à des fins pacifiques [constituait] une violation des principes de la Charte des Nations Unies, du droit international et du Statut de l’Agence??.
Il a également rappelé que l’AIEA n’avait cessé de souligner que les ??attaques armées contre des installations nucléaires pourraient provoquer des rejets radioactifs [qui auraient] des conséquences graves à l’intérieur des frontières de l’état attaqué et au?delà??, comme indiqué dans la résolution GC(XXXIV)/RES/533.
Plus tard, à la réunion extraordinaire du Conseil des gouverneurs le 16?juin?2025, le Directeur général a déclaré avec insistance?: ??Pour la deuxième fois en trois ans, nous assistons à un conflit dramatique entre deux états Membres de l’AIEA, qui vise des installations nucléaires et compromet la s?reté nucléaire. Dans ce conflit, comme dans le conflit militaire entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, l’AIEA ne restera pas sans rien faire.??
??L’AIEA suit la situation de très près, a-t-il affirmé, [elle] se tient prête à réagir à toute situation d’urgence nucléaire ou radiologique.??
Il s’agissait de la troisième intervention du Directeur général en quatre jours, qui visait à faire le point en détail sur la situation en Iran, suite à la déclaration au Conseil du 13?juin et à la déclaration au Conseil de sécurité de l’ONU le même jour. L’Agence a par ailleurs fourni régulièrement des informations sur son compte X officiel.
Le Directeur général a expliqué que les inspecteurs de l’AIEA restaient présents en Iran, et se tenaient prêts à être déployés sur les sites nucléaires dès que possible, même si l’Agence avait légèrement réduit ses effectifs sur place au vu des conditions de sécurité.
Il a ajouté?: ??L’Agence est et restera présente en Iran. Les inspections des garanties en Iran se poursuivront dès que les conditions de s?reté et de sécurité le permettront, conformément aux obligations qu’impose en la matière le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires à l’Iran.??
Appelant toutes les parties à exercer la plus grande retenue afin d’éviter une nouvelle escalade, le Directeur général a souligné qu’il était disposé ??à [se] rendre sur place immédiatement et à travailler avec toutes les parties concernées pour contribuer à assurer la protection des installations nucléaires et veiller à ce que l’utilisation de la technologie nucléaire reste pacifique, conformément au mandat de l’Agence??, affirmant qu’il se tenait prêt, pour ce faire, ??à déployer des experts de l’Agence, spécialistes de la s?reté et de la sécurité nucléaires, en plus [des] inspecteurs des garanties [de l’Agence déjà présents] en Iran, et ce partout où cela [était] nécessaire??.
??Cette escalade militaire menace des vies, augmente le risque d’un rejet radiologique qui aurait de graves conséquences pour les populations et l’environnement, et retarde la mise en place indispensable d’une solution diplomatique permettant de garantir à long terme que l’Iran ne se dote pas d’une arme nucléaire??, a-t-il affirmé.
Le Directeur général a expliqué que l’AIEA se tenait prête à agir dans le cadre de son mandat statutaire pour contribuer à prévenir un accident nucléaire, qui pourrait avoir de graves conséquences radiologiques. Il a ajouté?: ??Pour que l’AIEA puisse agir, un dialogue constructif et professionnel devra être engagé, et ce le plus t?t possible.??
S’appuyant sur les informations dont elle dispose, l’AIEA rend régulièrement compte de la situation dans les installations nucléaires et sur les sites nucléaires en Iran. Elle a notamment fourni les informations suivantes?:
L’installation d’enrichissement de combustible de Natanz a été visée lors des attaques du 13?juin, qui ont détruit la partie en surface de l’installation pilote d’enrichissement de combustible –?l’une des installations dans lesquelles l’Iran produisait de l’uranium enrichi jusqu’à 60?% en 235U.
L’infrastructure électrique de l’installation, qui comprend un poste électrique, un batiment fournissant l’alimentation électrique principale, ainsi qu’un dispositif d’alimentation électrique d’urgence et des générateurs de secours, a également été détruite. La perte d’alimentation dans les cascades souterraines pourrait avoir endommagé les centrifugeuses se trouvant à cet endroit, a expliqué le Directeur général au Conseil le 16?juin dernier.
Plus tard dans la semaine, l’AIEA, s’appuyant sur des analyses continues d’images satellite haute résolution prises après les attaques contre le site nucléaire de Natanz, a indiqué que de nouveaux éléments portaient à croire que les salles d’enrichissement souterraines de Natanz avaient elles aussi été directement touchées.
Le Directeur général a fait savoir qu’il n’y avait aucune conséquence radiologique hors du site de Natanz, mais qu’une contamination radiologique et chimique avait été constatée dans les limites de l’installation d’enrichissement.
??Les effets sont limités à cette installation. Il n’y a pas eu de conséquence radiologique à l’extérieur??, a-t-il déclaré.
Le Directeur général a expliqué qu’étant donné le type de matières nucléaires présentes dans l’installation de Natanz, des isotopes d’uranium provenant d’hexafluorure d’uranium, de fluorure d’uranyle ou d’acide fluorhydrique s’étaient peut-être dispersés à l’intérieur de l’installation. Si des particules d’uranium sont inhalées ou ingérées, leurs rayonnements –?principalement dus aux particules alpha?– posent un risque non négligeable. Néanmoins, ce risque peut être géré efficacement en prenant des mesures de protection appropriées, telles que le port d’appareils de protection respiratoire à l’intérieur des installations concernées. La principale préoccupation à l’intérieur de l’installation est la toxicité chimique de l’hexafluorure d’uranium et des composés de fluorure, qui survient lorsque ceux-ci entrent en contact avec de l’eau.
Sur le site nucléaire d’Ispahan, quatre batiments ont été endommagés lors de l’attaque de vendredi?: le laboratoire chimique central, une installation de conversion d’uranium, l’usine de fabrication de combustible du réacteur de Téhéran et l’installation de traitement de l’uranium métal enrichi, qui était en construction. Sur le site nucléaire d’Ispahan comme à Natanz, l’intensité de rayonnement hors site est restée inchangée.
Le 18?juin, l’AIEA a fait savoir qu’elle disposait d’informations indiquant que deux installations de production de centrifugeuses avaient été touchées en Iran?: l’atelier TESA à Karaj et le Centre de recherche de Téhéran. Les deux sites étaient auparavant soumis à la surveillance et aux vérifications de l’AIEA dans le cadre du Plan d’action global commun (PAGC).
Dans le Centre de recherche de Téhéran, un batiment où étaient fabriqués et testés des rotors de modèles avancés de centrifugeuses a été touché. à l’atelier de Karaj, deux batiments, où différents composants de centrifugeuses étaient fabriqués, ont été détruits.
Le réacteur de recherche à eau lourde de Khondab, en cours de construction, a été touché le 19?juin. Néanmoins, puisque ce réacteur n’était pas opérationnel et ne contenait pas de matières nucléaires, le Directeur général a déclaré qu’il ne devrait y avoir aucune conséquence radiologique. Si l’usine de production d’eau lourde voisine semblait dans un premier temps n’avoir subi aucun dommage, l’Agence a par la suite estimé que certains de ses batiments clés, notamment l’installation de distillation, avaient été endommagés.
Pour l’heure, aucun dommage n’a été constaté sur les autres sites nucléaires iraniens.
Bien que les attaques n’aient provoqué aucun incident radiologique majeur, le Directeur?général a insisté sur les risques en matière de s?reté et de sécurité nucléaires.
??Il y a beaucoup de matières nucléaires en Iran, à différents endroits, ce qui signifie qu’il y a bel et bien un risque de dispersion de matières et de particules radioactives dans l’atmosphère, et donc, d’accident radiologique??, a-t-il déclaré.
Le Directeur général a également souligné l’importance de la coopération avec les autorités iraniennes et de la transmission des informations.
??Dans ces circonstances difficiles et complexes, il est essentiel que l’AIEA re?oive régulièrement et en temps voulu des informations techniques sur les installations nucléaires et leurs sites respectifs. Ces informations sont indispensables pour informer rapidement la communauté internationale et garantir une intervention et une assistance efficaces dans toute situation d’urgence en Iran??, a-t-il expliqué, ajoutant qu’il maintenait un contact permanent avec d’autres pays de la région.
Cette mise à jour a été publiée pour la première fois en anglais le 19 juin.