(Transcription du discours tel que préparé)
Madame la Présidente,
Suite aux attaques de vendredi contre des sites nucléaires en République islamique d’Iran, le conflit militaire se poursuit. Comme je l'ai indiqué au Conseil des gouverneurs de l'AIEA, puis au Conseil de sécurité des Nations Unies vendredi dernier, l’AIEA suit la situation de très près. Notre Centre des incidents et des urgences a été activé dès le début et suit la situation en continu, jour et nuit, en restant en permanence en communication avec les autorités iraniennes pour vérifier l’état des installations nucléaires iraniennes et le niveau de rayonnement sur les sites concernés.
L’AIEA se tient prête à réagir à toute situation d’urgence nucléaire ou radiologique en moins d’une heure.
D’après les informations dont dispose l’AIEA, la situation sur les sites nucléaires iraniens est actuellement la suivante?:?
L’installation d’enrichissement de combustible de Natanz n’a pas subi de nouveaux dégats depuis l’attaque de vendredi, qui avait entra?né la destruction de la partie en surface de l’installation pilote d’enrichissement de combustible –?l’une des installations dans lesquelles l’Iran produisait de l’uranium enrichi jusqu’à 60?% en 235U.?
L’infrastructure électrique de l’installation, qui comprend un poste électrique, un batiment fournissant l’alimentation électrique principale, ainsi qu’un dispositif d’alimentation électrique d’urgence et des générateurs de secours, a également été détruite.
Rien n’indique qu’une attaque physique ait eu lieu dans la salle souterraine des cascades, qui contient une partie de l’installation pilote d’enrichissement de combustible et de l’installation principale d’enrichissement de combustible. Néanmoins, la perte d’alimentation électrique dans la salle des cascades pourrait avoir endommagé les centrifugeuses qui s’y trouvent.
Le niveau de radioactivité à l’extérieur du site de Natanz est resté inchangé et normal, signe que cet événement n’a pas entra?né d’incidences radiologiques externes pour la population ou l’environnement.
à l’installation de Natanz, on constate à la fois une contamination radiologique et une contamination chimique. étant donné le type de matières nucléaires présentes dans cette installation, il est possible que des isotopes d’uranium provenant d’hexafluorure d’uranium, de fluorure d’uranyle ou d’acide fluorhydrique se soient dispersés à l’intérieur de l’installation. Si des particules d’uranium sont inhalées ou ingérées, leurs rayonnements – principalement dus aux particules alpha?– posent un risque non négligeable. Néanmoins, ce risque peut être géré efficacement en prenant des mesures de protection appropriées, telles que le port d’appareils de protection respiratoire à l’intérieur des installations concernées. La principale préoccupation à l’intérieur de l’installation est la toxicité chimique de l’hexafluorure d’uranium et des composés de fluorure lorsque ceux-ci entrent en contact avec de l’eau.
Aucun dommage n’a été constaté sur le site de l’installation d’enrichissement de combustible de Fordou ni sur le réacteur à eau lourde de Khondab, qui est en cours de construction. La centrale nucléaire de Bushehr n’a pas été visée ni affectée par les récentes attaques, pas plus que le réacteur de recherche de Téhéran.
Sur le site nucléaire d’Ispahan, quatre batiments ont été endommagés lors de l’attaque de vendredi?: le laboratoire chimique central, une installation de conversion d’uranium, l’usine de fabrication de combustible pour le réacteur de Téhéran et l’installation de transformation d’UF4 en uranium métal enrichi, qui était en construction.
Comme à Natanz, l’intensité de rayonnement hors site reste inchangée.
Je salue la coopération et l’échange d’informations entre les autorités iraniennes et l’AIEA. Dans ces circonstances difficiles et complexes, il est essentiel que l’AIEA re?oive régulièrement et en temps voulu des informations techniques sur les installations et leurs sites respectifs. Ces informations sont indispensables pour informer rapidement la communauté internationale et garantir une intervention et une assistance efficaces face à toute situation d’urgence en Iran. Sans elles, il nous est impossible d’évaluer avec précision les conditions radiologiques et les conséquences potentielles pour les populations et l’environnement, mais également d’apporter l’assistance nécessaire.
L’Agence est et restera présente en Iran. Les inspections des garanties en Iran se poursuivront dès que les conditions de s?reté le permettront, conformément aux obligations qu’impose en la matière le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires à l’Iran.
Je suis en contact avec les inspecteurs sur le terrain, leur s?reté reste notre priorité absolue, et toutes les mesures nécessaires sont prises pour s’assurer qu’ils ne courent aucun danger.
Je suis disposé à me rendre sur place immédiatement et à travailler avec toutes les parties concernées pour contribuer à assurer la protection des installations nucléaires et veiller à la poursuite de l’utilisation pacifique de la technologie nucléaire, conformément au mandat de l’Agence. Pour ce faire, je me tiens prêt à déployer des experts de l’Agence, spécialistes de la sécurité et la s?reté nucléaires, en plus de nos inspecteurs des garanties en Iran, et ce partout où cela est nécessaire.
Madame la Présidente,
Cette escalade militaire menace des vies, augmente le risque d’un rejet radiologique qui aurait de graves conséquences pour les populations et l’environnement, et retarde la mise en place indispensable d’une solution diplomatique permettant de garantir à long terme que l’Iran ne se dote pas d’une arme nucléaire. ?
Conformément aux objectifs de l’AIEA et à son Statut, j’appelle toutes les parties à exercer la plus grande retenue afin de prévenir une nouvelle escalade.
La semaine dernière, le Conseil a adopté une résolution importante sur les obligations de l’Iran en matière de garanties. Celle-ci, qui contient des dispositions clés en matière de prolifération, souligne l’importance d’une solution diplomatique aux problèmes posés par le programme nucléaire iranien. Les états Membres de l’AIEA ont un r?le crucial et actif à jouer pour encourager à abandonner rapidement l’escalade militaire au profit de la diplomatie. Je vous demande instamment d’explorer toutes les solutions diplomatiques possibles et je vous affirme que je reste prêt à jouer mon r?le, y compris en me rendant dès que possible sur place pour évaluer la situation et veiller à la s?reté, à la sécurité et à la non-prolifération en Iran.
Il n’y a sans doute pas d’entreprise plus importante, recueillant un tel soutien universel, que celle qui consiste à s’assurer que l’humanité utilise la puissance phénoménale de l’atome pour le bien et non pour la destruction. Depuis plus de?60?ans, l’AIEA joue un r?le central en aidant ses états Membres à faire de cette volonté une réalité pour mettre l’atome au service du progrès.
Je rappelle que l’Agence, forte de son mandat clair et de ses atouts uniques, est prête à faciliter les discussions techniques et à appuyer les efforts visant à promouvoir la transparence, la s?reté, la sécurité et la résolution pacifique des questions liées au nucléaire en Iran.
Chers collègues,
Pour la deuxième fois en trois ans, nous assistons à un conflit dramatique entre deux états Membres de l’AIEA, qui vise des installations nucléaires et compromet la s?reté nucléaire.
Dans ce conflit, comme dans le conflit militaire entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, l’AIEA ne restera pas sans rien faire.
Nous pouvons agir et nous agirons dans le cadre de notre mandat statutaire pour contribuer à prévenir un accident nucléaire qui pourrait avoir des conséquences radiologiques imprévisibles. Pour que l’AIEA puisse agir, un dialogue constructif et professionnel devra être engagé, et ce le plus t?t possible.
Aussi difficile que cela puisse para?tre dans le tumulte d’un conflit militaire persistant, nous avons déjà montré que, même dans de telles circonstances, une assistance technique respectueuse et impartiale pouvait servir les intérêts de tous.
Je poursuivrai mes échanges constants avec les parties en conflit afin de trouver le moyen le plus approprié d’atteindre ces objectifs et je demande aux états Membres de me soutenir dans ces efforts. J’espère que ce Conseil, et en particulier les états Membres les plus à même d’aider, répondra positivement à mon appel pour que l’AIEA puisse travailler avec les parties belligérantes, afin d’éviter le pire. Il n’est jamais trop tard pour choisir la voie de la diplomatie, et ce choix reste toujours possible.